Demande de révision – Septembre 2005

A l’honneur de vous exposer :

Monsieur Jean-Marc DEPERROIS a été condamné par la cour d’assises de Seine-Maritime le 25 mai 1997 à la peine de 20 ans de réclusion criminelle pour empoisonnement avec préméditation.

            La commission de révision des condamnations pénales a, dans sa décision du 16 décembre 2002, rendu sur une première requête, rappelé que l’explication de la mort par empoisonnement au cyanure le 11 juin 1994 d’Émilie Tanay avait donné lieu à de nombreuses hypothèses : contamination du médicament lors de sa fabrication ; acte de malveillance au sein de l’entreprise ; contamination du médicament par un produit domestique contenant du cyanure ; acte de vengeance ; erreur sur la victime. La commission a ajouté que cette dernière hypothèse, qui a servi de base à la condamnation de Monsieur Jean-Marc DEPERROIS, avait été retenue après vérification et élimination des autres.

                      Il va être démontré que des faits nouveaux survenus depuis l’arrêt de condamnation du 25 mai 1997 rendent vraisemblable l’hypothèse d’un accident domestique suivi de sa dissimulation volontaire. Cette hypothèse de nature à faire douter de la culpabilité de Monsieur Jean-Marc DEPERROIS n’a été envisagée ni à fortiori explorée alors qu’elle n’aurait pas manqué de l’être si les faits révélés depuis la condamnation avaient été connus des enquêteurs.

1° L’hypothèse d’un accident domestique (contamination par un produit domestique contenant du cyanure) certes examinée et rejetée, ne se confond pas avec celle d’un accident suivi d’une dissimulation.

            La commission de révision a en effet constaté que les enquêteurs s’étaient très vite intéressés à la question de savoir si du cyanure avait pu se trouver au moment des faits au domicile des parents qui avaient accueilli l’enfant empoisonnée. Après des vérifications négatives, la section de recherches de Rouen dirigée par le capitaine Jean-Louis Martinez a pu apporter une réponse formelle à cette interrogation : la présence d’un produit alcalin dans la Josacine, produit s’étant révélé être dans un deuxième temps du cyanure de sodium, a laissé entrevoir la possibilité d’un empoisonnement domestique par la manipulation de Josacine et d’un autre produit. Cet accident aurait pu se produire soit chez les Tanay – soit chez les Tocqueville.

            Les perquisitions effectuées aux deux domiciles n’ont pas permis de retrouver de cyanure ou de produit cyanuré. Un flacon de destop a été saisi chez les Tocqueville. Il n’y a aucune trace de cyanure dans le produit. Il est intéressant de souligner d’ailleurs qu’aucun produit de type insecticide ou autre ne contient du cyanure dans les proportions de celui retrouvé dans la Josacine ». (synthèse du 30 juin 1995, cotée D1745 page 9)

            Sans doute le directeur de l’enquête a-t-il observé que les Tocqueville avaient pu détenir du cyanure mais cette simple possibilité ne démontrait pas qu’ils en avaient détenu. Monsieur Jean-Michel Tocqueville et son épouse ayant, par ailleurs, tous les deux affirmés qu’ils n’en avaient jamais eu, l’hypothèse d’un accident à leur domicile a pu être écartée.

            Si Monsieur Tocqueville n’avait, du moins pas officiellement, pas accès aux réserves de cyanure de potassium de l’usine Hoescht dont il était l’employé, il en allait autrement de son ami Denis Lecointre, employé à l’époque des faits par le laboratoire Oril où se trouvait « un stock important de cyanure » auquel il avait « accès » (D1745 déjà citée, page 6). Monsieur Denis Lecointre, interrogé lui aussi à ce sujet n’était pas moins formel : « Je n’ai jamais sorti de cyanure de l’entreprise », audition du 25 juillet 1994 par le Maréchal des Logis-chef, Christian SAUVAGE (cote D565 page 2).

           

S’ils ont éliminé l’hypothèse de l’accident domestique chez les Tocqueville en se fondant essentiellement sur un postulat de sincérité de la part de messieurs Tocqueville et Lecointre, les enquêteurs n’ont pas agi de la même manière à l’égard de l’hypothèse d’un accident volontairement dissimulé puisqu’ils ne l’ont même pas envisagée.

Or, plusieurs faits nouveaux l’ont rendue vraisemblable.

 

            2° L’hypothèse d’un accident domestique volontairement dissimulé est devenue vraisemblable

            La condamnation criminelle n’ayant mis fin ni aux protestations d’innocence de Monsieur Jean-Marc DEPERROIS ni à la polémique provoquée par cette condamnation, plusieurs procédures correctionnelles ont été engagées par divers protagonistes de l’affaire.

            Dès le 12 octobre 1999 Madame Sylvie Gibeaux, ex-épouse Tocqueville portait plainte contre X pour des menaces de mort. Le Tribunal de Grande Instance du Havre condamnait le 4 novembre 2005 Monsieur Jean-Pierre Madeleine témoin au procès criminel après avoir constaté qu’il était l’auteur de ces menaces.

            Le 3 mai 2000 Monsieur DEPERROIS citait directement Monsieur Madeleine et son épouse devant le Tribunal de Grande Instance de Rouen. Il leur reprochait un faux témoignage à l’audience de la cour d’assises. Statuant sur renvoi après cassation, la cour de Versailles, par arrêt définitif du 6 novembre 2003 sans se prononcer sur le caractère mensonger du témoignage, déboutait le demandeur après avoir constaté que les articles de presse relatant l’audience du 9 mai 1997 n’étaient pas suffisamment précis et complets pour établir la teneur des propos poursuivis.

            Les 20 et 28 mai 2001, le Docteur Sylvain Vue poursuivait l’hebdomadaire l’express et la journaliste Anne-Sophie Casteret pour diffamation publique envers un particulier. Le Tribunal de Grande Instance de Paris dans un jugement du 17 janvier 2002 constatait le caractère diffamatoire des propos incriminés et relaxait les prévenus au bénéfice de la bonne foi.

            Le 3 janvier 2003 Monsieur Denis Tanay et son épouse Corinne portaient plainte contre Monsieur DEPERROIS pour subornation de témoins. Une enquête préliminaire était ouverte et n’était suivie d’aucune poursuite.

            Au cours de l’enquête, les OPJ devaient recueillir un ensemble de documents écrits reçus par les plaignants et notamment, deux lettres rédigées postérieurement à la plainte par Monsieur Tocqueville Jean-Michel le 24 janvier 2003 ainsi qu’un cahier manuscrit de Madame Sylvie Gibeaux dans lequel elle relatait ses souvenirs de l’affaire.

            Ces deux documents contiennent des éléments nouveaux qui seront analysés ultérieurement.

Le journal « Le Monde » daté des 24/25 novembre 2002 a publié sous la signature de Monsieur Jean-Michel Dumay un article consacré à l’affaire de la Josacine dans lequel le journaliste relate une partie des résultats de son « enquête à l’appui de la révision du procès de la Josacine ». Il a pu avoir des entretiens avec des experts, le directeur de l’enquête, les avocats des parties, ainsi que les principaux témoins.

            En particulier, il a eu affaire à Madame Sylvie Tocqueville ainsi qu’à son mari, à Monsieur Denis Lecointre et à sa femme, à Madame Corinne Tanay, au personnel médical qui a prodigué des soins à l’enfant, Mesdames V et C, à Monsieur  L dont le contenu des témoignages seront précisés ultérieurement, ainsi qu’à Madame C qui n’avait jamais été entendue.

          Monsieur Denis Lecointre s’étant estimé diffamé par cette publication a engagé une action judiciaire contre Monsieur Jean-Michel Dumay devant le Tribunal de Grande Instance de Toulouse. Par arrêt du 09 juin 2004 la cour d’appel de Toulouse, statuant sur une accusation de diffamation publique envers un particulier a relaxé Monsieur Jean-Michel Dumay au bénéfice de la bonne foi après avoir notamment constaté le caractère sérieux de son enquête. Dans le cadre de cette procédure, les juridictions de jugement ont entendu, au titre de l’offre de preuve plusieurs témoins : Monsieur Marc Gaubert, Madame Sylvie Tocqueville, Monsieur Robert Rosset, Madame Corinne Tanay, Madame Anne-Marie Casteret, Monsieur  L, Monsieur  P, Madame V et Monsieur Denis Lecointre. Six de ces personnes avaient déjà été entendues dans la procédure criminelle.

Trois d’entre elles ont fait des déclarations nouvelles. Il s’agit de Madame Sylvie Tocqueville, de Monsieur  L et de Monsieur P.

            Monsieur L avait été interrogé le 10 juillet 1995 par un membre de la SR du Havre sur ses relations avec les époux Madeleine dont le témoignage avait été retenu à charge contre Monsieur Jean-Marc DEPERROIS (D1779). En revanche, il n’avait pas eu à s’expliquer sur un fait relatif à la détention de cyanure. Madame P faisait à l’époque des faits, des ménages chez les Tocqueville. A une date incertaine (3 ou 10 juin) elle avait remarqué une bouteille de petite taille en verre transparent solidement fermée par un bouchon en aluminium au-dessus du réfrigérateur. Après les faits, elle avait parlé de cette bouteille à Madame Sylvie Tocqueville. On sait également que cette bouteille n’a pas été retrouvée. Pour la première fois à Toulouse, à l’audience du tribunal du 30 octobre 2003 (note d’audience, page 19) Monsieur L a révélé que lui-même, bien des années avant les faits, avait eu en sa possession du cyanure provenant de l’entreprise Oril et contenu dans une bouteille ressemblant, selon ce que lui avait dit Madame Sylvie Tocqueville, à la description faite par la femme de ménage.

            Madame Sylvie Tocqueville quant à elle, entendue à maintes reprises dans la procédure criminelle, a dans sa déposition du 30 octobre 2003 à Toulouse, fait état du contenu de son entretien avec Monsieur Jean-Michel Dumay : Oui, elle avait évoqué dans une conversation avec Monsieur Tocqueville, désormais son ex-mari l’intention de Monsieur Lecointre « de sortir du cyanure » de chez Oril. Elle n’en avait pas parlé à la police car ce n’était qu’une intention. Oui, dans une autre conversation avec Monsieur Tocqueville alors que celui-ci s’exprimait auprès d’elle sur la signification d’un échange téléphonique avec Monsieur Lecointre où il était indiqué qu’un produit avait été mis dans la Josacine, son mari avait déclaré : « Je me suis fait baiser »

Les enquêteurs avant d’écarter l’hypothèse de l’accident domestique, n’avaient pas manqué de s’interroger sur une éventuelle implication de Monsieur Tocqueville non pas dans un homicide involontaire mais dans un empoisonnement. Ils ne l’avaient pas retenue car celui-ci n’avait, selon eux, « aucune raison de vouloir empoisonner Émilie Tanay » (pièce déjà citée D1745 page 10)

            La troisième hypothèse à laquelle ils auraient pu s’intéresser n’a même pas été formulée. Sans doute Monsieur Tocqueville n’avait-il aucune raison de tuer Émilie Tanay. Sans doute avait-il affirmé avec force qu’il n’avait jamais détenu de cyanure. Faute d’élément objectif, la sincérité de cette dernière affirmation ne pouvait pas être mise en doute. On n’avait pas non plus de motif de se demander si la mort de l’enfant n’était pas le résultat de la combinaison d’un fait accidentel et d’un acte volontaire.

Après que les légistes eurent trouvé des traces de cyanure dans la Josacine, l’enquête a considéré comme certain le fait que le poison avait été introduit avant l’absorption du médicament. Personne ne s’est demandé si le poison mortel, absorbé accidentellement n’avait pas été mélangé à celui-ci postérieurement, dans le but d’effacer les traces de l’accident.

C’est pourtant cette hypothèse qui, après la condamnation de Monsieur Jean-Marc DEPERROIS est venue spontanément à l’esprit de Madame Tocqueville lorsque celle-ci a appris, chose qu’elle avait ignoré durant toute la procédure criminelle, que, dans une conversation avec son mari, Monsieur Lecointre avait parlé d’un produit « mis » par Monsieur Tocqueville dans la Josacine.

            Au procès de Toulouse, Monsieur Dumay a relaté sa conversation à ce sujet avec Madame Tocqueville : « Lorsque je délivre l’information sur les écoutes téléphoniques à Madame Tocqueville, elle me déclare « mais c’est eux, c’est eux » (notes d’audiences déjà citées page 5)

            Les nouvelles déclarations de Monsieur P confèrent à cette version, celle d’un fait accidentel volontairement dissimulé, une vraisemblance qui n’était pas apparue jusque-là.

            Infirmier du SMUR de Lillebonne, Monsieur P a été, avec le Docteur H l’une des deux premières personnes à intervenir au domicile des Tocqueville pour tenter de porter secours à Émilie Tanay. L’équipe du SMUR a été appelée à 20h22 par le SMUR du Havre. Elle s’est trouvée en présence de Madame Sylvie Tocqueville, de son  mari, de Monsieur Denis Lecointre et, en plus de l’enfant empoisonné, des enfants Tocqueville et  Lecointre.

            Monsieur P a été entendu une fois dans la procédure criminelle, le 18 juin 1994 (D83). Madame Tocqueville lui a présenté le flacon de Josacine après avoir précisé que l’enfant avait « trouvé mauvais goût au médicament » de son côté, le Docteur H a été entendu le 19 juin 1994 (D89) et lui aussi a su par Madame Tocqueville que l’enfant avait trouvé le médicament spécialement mauvais.

On sait que l’enfant n’aimait pas le goût de la Josacine et prenait du jus de pomme pour faire passer le mauvais goût. En revanche, ni Monsieur P, ni le docteur H n’ont appris qu’Émilie après avoir bu le médicament s’était rendue dans la cuisine pour y boire de l’eau.
Cependant, cette information était essentielle puisqu’elle aurait permis, ainsi que l’a expliqué Monsieur P au procès de Toulouse, à l’équipe médicale de pratiquer un lavage d’estomac.

         Lors de sa déposition à cette même audience du 30 octobre 2003, Monsieur P a apporté une information nouvelle qui augmente encore le doute quant à la sincérité et à la franchise de Messieurs Lecointre et Tocqueville.

            Monsieur Tocqueville s’était, on le savait déjà, abstenu de mentionner la scène où l’enfant s’était désaltérée dans la cuisine, mais Monsieur Lecointre, on l’a appris lors du procès de Toulouse a donné une fausse description de l’aspect de la Josacine après son utilisation par Émilie Tanay : « Alors que je me trouvais encore chez Monsieur Tocqueville après le départ d’Émilie à l’hôpital, nous avons regardé de plus près le flacon de Josacine après l’avoir enlevé de son emballage, je ne sais plus si c’est Jean-Michel ou moi qui en a eu l’idée ; J’ai noté que le liquide à l’intérieur était foncé, que le milieu était hétérogène. Il nous a paru bizarre. Cela nous a paru vraiment anormal, nous n’avons pas dévissé le capuchon. Le niveau était légèrement inférieur au trait. » (Audition du 25 juillet 1994 D595).

            Cette observation reprenait à peu près dans les mêmes termes une précédente description faite le 17 juin 1994 (D68) : « Pendant ce temps, nous avons observé le flacon de Josacine qui n’avait pas un aspect homogène mais hétérogène, de couleur orangée. Nous n’avons pas ouvert le flacon. Par contre je me souviens que le niveau était légèrement inférieur au niveau maximum, c’est à dire au trait figurant sur le flacon »

            Lors de la même audition Monsieur Lecointre avait complété la description dans ces termes : « Une fois la petite partie, Monsieur Tocqueville a sorti le flacon de son emballage pour regarder l’aspect. On s’est dit qu’il avait une drôle de tête. Je l’ai transporté dans l’emballage d’origine cartonnée. Lorsque je l’ai remis à l’hôpital, il était toujours dans son emballage. Concernant la petite cuillère doseuse, je n’en ai aucune idée. Le produit dans le flacon nous paraissait tourné. »

            Cette description de l’aspect de la Josacine tel que Monsieur Lecointre prétend l’avoir observé le 11 juin 1994 entre 21h et 22h15 tend à la conclusion que le médicament a subi un traitement anormal. Or, Monsieur Lecointre s’est abstenu d’en faire état auprès de Madame V, qui est la personne à laquelle il a remis le flacon de Josacine dans son emballage à l’hôpital du Havre le 11 juin 1994 vers 23h0 (déclaration de Madame V du 20 juin 1995 D94). Il n’en a pas non plus parlé aux gendarmes le 13 juin (D2) lorsqu’il leur apporte un flacon de Josacine trouvé dans « la poubelle de la cuisine de la maison Tanay » , flacon qui aurait été utilisé le matin du 11 juin par la mère de l’enfant pour la première prise prescrite par le médecin. Il n’en a pas davantage parlé au docteur M, pédiatre aux urgences du Havre, qui se souvient avoir reçu des mains de Monsieur Lecointre « la bouteille d’eau ayant servi à diluer le médicament en poudre » (déclaration du 13 juin 1994 D7). Autrement dit, Monsieur Lecointre n’a parlé à personne de l’aspect anormal de la Josacine prétendument constaté par lui le 11 juin avant sa déposition en garde à vue le 17 juin, à un moment où la cause de la mort d’Émilie était connue.

            Un tel silence faisait déjà douter de la véracité des constatations du 11 juin  mais la nouvelle déclaration de Monsieur P prouve que Monsieur Lecointre a menti en affirmant que la Josacine avait dès le soir des faits « une drôle de tête » c’est à dire un aspect incompatible avec une utilisation normale du médicament.

          

En effet, Monsieur P à l’audience du Tribunal correctionnel de Toulouse du 30 octobre 2003 a apporté les précisions suivantes « Je vais vous dire des choses qui n’ont pas été notées dans les PV des gendarmes et c’est vrai, j’ai signé rapidement. Sans relire. J’ai personnellement regardé ce flacon. Il avait une couleur normale, et une odeur normale d’antibiotique. J’ai noté le niveau. Il était légèrement en dessous. Ce qui paraissait normal. Ce flacon me paraissait normal, d’ailleurs, je ne l’ai plus revu. J’ai failli le goûter ».(notes d’audience déjà citées, page 22).

 

            Cette déclaration de Monsieur P, ajouté au silence de Monsieur Lecointre, apporte la preuve que celui-ci a fait une fausse description du flacon de Josacine qu’il a eu entre les mains le 11 juin 1994 en fin de soirée. La fausseté de cette description révélée postérieurement à la condamnation de Monsieur DEPERROIS prend toute sa signification à l’examen de la scène durant laquelle messieurs Lecointre et Tocqueville sont restés seuls (à l’exception des enfants) au domicile de ce dernier après le départ pour l’hôpital d’Émilie Tanay et de Madame Tocqueville.

            3° La fausse description du flacon de Josacine par Monsieur Denis Lecointre fait suite à une scène où messieurs Tocqueville et Lecointre étaient seuls au domicile des Tocqueville

            La nouvelle déclaration de Monsieur P a révélé que Monsieur Lecointre avait donné une fausse description du flacon de Josacine. Ce fait doit être replacé dans le contexte de la scène qui s’est déroulée au domicile des Tocqueville entre 21h (heure de départ de ce domicile de l’équipe du SMUR) et 22h15 (heure d’arrivée de Madame Lydie Lecointre à ce domicile). Pendant ce laps de temps, messieurs Lecointre et Tocqueville étaient les seuls adultes présents sur les lieux. Or, disent-ils, ils ont manipulé le flacon de Josacine (D68 du 17 juin 1994 et D595 du 25 juillet 1994) sans l’ouvrir mais ils ont pu observer sa couleur et son aspect physique et son odeur éventuelle. Le rabat de l’emballage en carton a été soulevé. Il a d’ailleurs disparu puisqu’il ne faisait plus partie de cet emballage au moment de sa remise à l’hôpital (déclaration déjà cité de Madame V, D94 du 20 juin 1994).

            C’est Monsieur Lecointre et non pas Monsieur Tocqueville qui a porté le flacon à l’hôpital vers 23h. (déclaration déjà citée de Madame V D94 du 20 juin 1994). On peut se demander pourquoi Monsieur Lecointre s’est chargé de cette mission plutôt que Monsieur Tocqueville.

            De même on peut s’étonner que Monsieur Lecointre ait été appelé par Monsieur Tocqueville au moment même où Madame Tocqueville appelait le SAMU et peut-être même quelques instants avant (D107, D59, D689). Si messieurs Tocqueville et Lecointre ont manipulé le flacon de Josacine alors qu’ils étaient seuls, la disparition de la cuillère doseuse et du verre ayant contenu la solution d’exomuc ainsi que le sachet utilisé par Émilie (objets vus  par Jérôme Tocqueville dans les mains d’Émilie avant la prise du médicament. Le même témoin a vu Émilie « boire un peu d’eau dans la cuisine » après avoir pris le médicament), prend également à la lumière des déclarations de Monsieur P une nouvelle signification.

            L’absence de cette cuillère ainsi que celle du verre utilisé pour boire l’exomuc est d’autant plus singulière que Monsieur Tocqueville n’a pas montré beaucoup d’empressement à évoquer la présence de Monsieur Lecointre à son domicile après le départ d’Émilie Tanay.

            Dans sa déclaration du 14 juin 1994 (D8) qui est sa première déclaration détaillée, Monsieur Tocqueville ne prononce pas le nom de Monsieur Lecointre. Il s’abstient également de signaler la manipulation du flacon de Josacine et son aspect.

            La discrétion de Monsieur Tocqueville à l’égard du rôle de son ami prend une nouvelle portée avec le témoignage de Monsieur P si on le rapporte aux multiples interventions de Monsieur Lecointre touchant à tout ce que l’enfant empoisonnée a pu absorber. C’est lui qui a porté le flacon de Josacine à l’hôpital le 11 juin, c’est lui qui selon ses déclarations et celles du docteur M a apporté à l’hôpital le dimanche 12 juin ou le lundi 13 juin la bouteille d’eau qui aurait servi à diluer la Josacine (D68 – D7) c’est encore lui qui, le 13 juin, apporte à la gendarmerie de Bolbec « le flacon de Josacine  jeté dans la poubelle de la cuisine de la maison Tanay » après avoir servi à la préparation du médicament pris le matin du 11 juin (D2 13 juin 1994).

            Monsieur Lecointre n’est d’ailleurs pas le seul des deux hommes à avoir donné du flacon de Josacine une fausse description. Monsieur Jean-Michel Tocqueville, ainsi que le révèle le journal de son ex-épouse saisi dans la procédure de subornation de témoin précédemment évoquée, a parlé d’un sirop de « couleur crème avec des traînées grises, gris mercure ». Selon ce nouveau témoignage, cette description concernait l’aspect du flacon au moment où messieurs Tocqueville et Lecointre l’avaient eu entre les mains le 11 juin 1994 après le départ de l’équipe du SMUR.

            Si messieurs Tocqueville et Lecointre avaient constaté une anomalie dans l’aspect de la Josacine avant le moment où il a été porté à l’hôpital par Monsieur Lecointre, ils n’auraient pas manqué de le signaler.

Ce silence surprenant, la nouvelle déclaration de Monsieur P le prouve désormais, a été suivi d’un mensonge qui démontre que les deux hommes ont eu besoin, lorsqu’ils eurent appris la cause de la mort, de dire que le contenu du flacon présentait des anomalies. Entre le silence, destiné à les protéger contre des investigations plus poussées, et le mensonge, deux évènements s’étaient produits. Ils savaient que le cyanure avait tué l’enfant et ils étaient parmi les suspects.

            Monsieur Lecointre a fait preuve, on l’a vu, non pas seulement d’un intérêt soutenu à l’égard des circonstances de la mort de l’enfant mais également d’un zèle intense lors de la remise aux enquêteurs de ce qui allait constituer des pièces à conviction.

            Pourquoi Monsieur Lecointre a-t-il menti en affirmant que le flacon de Josacine avait un aspect anormal lorsqu’il l’a manipulé avant de le porter à l’hôpital ?

            La réponse à cette question n’a pas été abordée par le procès criminel parce qu’elle n’a pas été posée et ne pouvait pas l’être. A l’époque, on ignorait que Monsieur P avait lui aussi, dans le même trait de temps, vu le flacon et qu’il n’avait rien remarqué d’anormal. Aujourd’hui, le mensonge jette une lumière entièrement nouvelle sur les conversations téléphoniques de messieurs Lecointre et Tocqueville dans la soirée du 16 juin 1994.

            4° Les conversations téléphoniques de messieurs Lecointre et Tocqueville du 16 juin 1994 font douter de la culpabilité de Monsieur DEPERROIS Jean-Marc mais elles n’ont pas été exploitées.

            La commission de révision s’est penchée lors de sa délibération précédant la décision du 16 décembre 2002 sur le contenu de ces conversations. Elle a justement observé « que ces écoutes figurant au dossier ont pu être analysées par toutes les parties à la procédure pendant  l’instruction et les débats devant la cour d’assises ». Cependant, les parties, pas plus que les enquêteurs, n’étaient à l’époque en mesure d’apprécier toute la portée de ces écoutes que la révélation du mensonge de Monsieur Lecointre ainsi – comme on le verra par la suite- que du trouble que leur publication a causé à Monsieur Tocqueville a rendu intelligibles.

            Les enquêteurs, ainsi que l’a observé la commission, n’ont pas « révélé l’existence » de ces écoutes à Messieurs Lecointre et Tocqueville lors de leur audition mais, contrairement à ce que celle-ci a cru, ils ne les ont pas non « plus exploitées »

            La commission (page 11 de la décision) a constaté que les écoutes étaient intervenues le 16 juin, c’est à dire la veille de l’audition de Messieurs Tocqueville et Lecointre en garde à vue. Néanmoins, ces écoutes n’étaient pas en possession des OPJ qui les ont interrogés le 17 juin.

            Les transcriptions ont été effectuées les 17 et 18 juin par Monsieur Rousselle qui commandait la brigade de Bolbec, alors que les auditions par messieurs Vermeulen et Lencauchez ont eu lieu au Havre le 17 juin à partir de 13h pour Monsieur Tocqueville et de 17h pour Monsieur Lecointre, et jusqu’à 7h le 18 juin pour Monsieur Lecointre et jusqu’à 8h pour Monsieur Tocqueville.

            Il est donc invraisemblable que ces écoutes transcrites à Bolbec, aient été au même moment, en possession des enquêteurs du Havre alors que, au surplus, le PV de synthèse (D1337) qui accompagne la transmission des transcriptions au juge d’instruction (transmission du 17 février 1995, D1335) fait état de 60 conversations surveillées dont la dernière a eu lieu le 19 décembre 1994).

            Les auditions de messieurs Lecointre et Tocqueville des 17 et 18 juin 1994 ont d’ailleurs fait l’objet d’une transmission distincte au juge le 24 juin 1994 (D151), c’est à dire 8 mois avant la transmission des écoutes.

            Lorsque celles ci ont été remises au juge, les enquêteurs avaient déjà écarté toutes les pistes, à l’exception de celle qui visait Monsieur Jean-Marc DEPERROIS, placé en détention provisoire le 27 juillet 1994. Par conséquent, ces écoutes sont passées inaperçues jusqu’à l’époque où elles ont été communiquées au juge. A ce moment là, l’enquête ne s’intéressait plus qu’à Monsieur DEPERROIS.

            Personne durant le procès criminel (témoignage nouveau du procureur Gaubert au procès de Toulouse) n’y a d’ailleurs fait la moindre allusion.

            Sans la publication de ces écoutes après le procès criminel, sans la réaction que cette publication a provoquée tant de la part de Madame Sylvie Gibeaux que de la part de Monsieur Tocqueville, sans les procès qui ont suivi cette publication et sans les nouvelles déclarations de Monsieur P, les conversations ne seraient pas devenues intelligibles, ce qu’elles sont aujourd’hui.

            Ces conversations sont au nombre de quatre. Trois d’entre elles ont été transcrites. Elles ont toutes eu lieu entre 20h et 21h le 16 juin 1994.

Il doit être rappelé qu’à ce moment là, messieurs Lecointre et Tocqueville ont déjà eu plusieurs contacts avec les enquêteurs (le 13 juin pour Monsieur Lecointre et le 14 juin pour Monsieur Tocqueville),
ils n’ont pas parlé de la scène au cours de laquelle ils ont manipulé le flacon de Josacine,
ils n’en ont donné aucune description
.
Monsieur Tocqueville n’a pas parlé de la scène vue par son fils dans la cuisine lorsque l’enfant s’est désaltérée pour faire passer le mauvais goût.
Monsieur Lecointre a, on le sait, multiplié les démarches et les initiatives mais ni lui ni Monsieur Tocqueville n’ont évoqué avec des tiers un empoisonnement possible.

 

           Il faut ajouter qu’au moment de ces conversations, les deux hommes ignoraient encore que l’analyse du contenu du flacon avait révélé que l’enfant était morte tuée par le cyanure.

            Enfin, il est important de souligner le fait que ces conversations, dont une partie seulement a été transcrite, s’inscrivent dans une continuité d’échanges marqués par une grande inquiétude qu’une curiosité légitime à propos des causes de la mort ne suffit pas à expliquer.

            Dans une première conversation disponible, Monsieur Tocqueville qui appelle Monsieur Lecointre, lui annonce un événement semblant attendu, un événement qui, en tout cas ne les surprend pas et suscite de leur part des commentaires passionnés.

            Monsieur Tocqueville vient d’appeler un enquêteur après avoir appris par la télévision que l’ordre était donné « d’enlever tous les flacons de Josacine du marché ». Il ne s’agit pas seulement pour les deux interlocuteurs d’une information mais aussi d’actions à entreprendre. En effet, Monsieur Tocqueville a appelé un gendarme, Monsieur Lecointre l’a également appelé mais ni l’un ni l’autre, après la nouvelle du retrait des flacons, ne vont en rester là.

            Monsieur Lecointre interroge Monsieur Tocqueville et lui demande s’il a bien « mis tout en branle » Monsieur Tocqueville l’invite à la patience car « ils (les enquêteurs sans doute) font leur boulot correctement. » Cette invitation à la patience amène alors Monsieur Lecointre à lancer un premier commentaire dont la signification ne peut être effacée ni même sous évaluée : «  c’est hallucinant, dit Monsieur Lecointre, tu vois que t’étais pas coupable ! »

            Cette phrase n’est pas équivoque. A cet instant, messieurs Lecointre et Tocqueville sont d’accord pour considérer que Monsieur Tocqueville a commis un acte susceptible de faire de lui un coupable.

            Monsieur Lecointre pour sa part, juge que l’annonce du retrait peut faire disparaître le motif de culpabilité. Pour autant, cette annonce ne met fin ni à leur inquiétude, ni à leur impatience. Au contraire. Tous les deux veulent en savoir plus et s’étonnent de n’être pas mieux informés par les enquêteurs.

            Monsieur Lecointre est à cet instant surtout préoccupé par un risque de « camouflage » de la part des laboratoires qui fabriquent de la Josacine. Il évoque des pratiques qu’il semble connaître personnellement : « J’en ai fait des faux papiers moi encore tu vois » Monsieur Tocqueville venait de lui dire qu’il allait appeler le laboratoire Hoescht dont il est l’employé ; il le presse de le faire : « tu fais le maximum hein ». Car ils ont tous les deux besoin de savoir (« il faut qu’on sache hein ! »).

            Monsieur Lecointre insiste encore. Il faut que son interlocuteur téléphone à son avocat. Puis Monsieur Lecointre ayant dit à plusieurs reprises : « il faut qu’on sache » ce à quoi Monsieur Tocqueville acquiesce, il lance : « parce que tout à l’heure, tu vas passer heu à la télé toi avec ton produit qu’t’as mis dans la Josacine ! »

            Cette phrase est prononcée le 16 juin 1994 après 20h. La télévision vient d’annoncer que la Josacine était retirée du commerce. Sur France 2 au journal de 20h, le présentateur vient de dire « qu’une information judiciaire était en cours pour déterminer dans quelles conditions, à quel moment et par qui une telle substance (toxique) a pu être introduite dans le flacon »

            La phrase de Monsieur Lecointre comporte une partie factuelle exempte de toute interrogation. Ayant appris l’instant d’avant que l’enquête cherchait à déterminer la cause de la toxicité de la Josacine, Monsieur Lecointre exprime ses alarmes objectivement causées par un fait dont il a connaissance, un fait commis par Monsieur Tocqueville qui ne le conteste pas. Celui ci a mis un produit dans la Josacine et, bien entendu, ce fait est de nature à intéresser l’enquête et la télévision puisque celle ci, on vient de l’apprendre, suit l’enquête de près.

            De son côté, Monsieur Tocqueville partage bien sûr les préoccupations de Monsieur Lecointre  mais avec une nuance particulière.

            L’annonce du retrait va, selon lui, entraîner deux types d’investigations. D’une part, les consommateurs vont pouvoir appeler pour signaler d’éventuels incidents, et d’autre part, des recherches vont porter sur les stocks du produit.

            Et sur ce second point, remarque Monsieur Tocqueville : « Il y a quand même un problème », « c’est au niveau du stock y vont pas trouver d’là … y vont pas trouver du destop quoi ». Que Monsieur Tocqueville écarte l’hypothèse que les stocks de Josacine contiennent un produit mortel ne surprend pas mais, en revanche, on doit se demander pourquoi cela constitue un problème pour lui.

            Quelle raison a-t-il de craindre qu’on ne trouve pas dans les stocks de produit toxique, que ces stocks ne soient pas empoisonnés ? La réponse est nécessairement dans la phrase que vient de prononcer Monsieur Lecointre. Monsieur Tocqueville a mis lui-même un produit dans la Josacine.

            Cette première conversation prend fin avec l’annonce par Monsieur Tocqueville qu’il va appeler « le mec »

            Le PV du 17 juin 1994 (D1393) nous apprend que cet appel a eu lieu immédiatement mais cette conversation n’a pas été retranscrite.

            La deuxième conversation a bien eu lieu un peu plus tard. Elle est courte. Les deux interlocuteurs évoquent le fait que TF1 a également annoncé le retrait. Puis, Monsieur Tocqueville est interrogé. A-t-il parlé à son avocat ? Il répond « oui, enfin, on verra çà demain »

            La troisième conversation a eu lieu tout de suite après. C’est Monsieur Tocqueville qui comme précédemment, appelle. Il a téléphoné à Paris. On lui a dit que les recherches pouvaient s’expliquer parce qu’on « n’avait pas trouvé de produit similaire » chez lui et il a ajouté : « ils sont incapables d’analyser le truc quoi ».

            Puis vient juste la fin de la transcription une remarque singulière de la part de Monsieur Lecointre : « de toute façon on est bien clair, nous on s’est pas vu dans la journée, j’délire pas, j’veux dire hein… » 

            Cette phrase signifie bien sûr que les deux amis ont quelque chose à cacher mais elle est aussi à rapprocher de leurs mensonges quant à l’aspect de la Josacine et de leur discrétion quant à leurs contacts dans la journée du 11 juin.

            5° A l’occasion des procès correctionnels postérieurs à la condamnation criminelle, d’autres faits nouveaux sont apparus.

            Deux procédures dont il a été question, retiennent plus particulièrement l’attention. L’une d’entre elle a été engagée par les époux Tanay. Il s’agit de la plainte pour subornation de témoin déposée le 3 janvier 2003, un peu plus d’un mois après la publication (25 novembre 2002) de l’article de Monsieur Jean-Michel Dumay. A cette plainte, étaient joints cet article ainsi que d’autres extraits de presse et une lettre adressée par Monsieur DEPERROIS à Madame L dont il a été question à propos de son témoignage sur la présence d’un flacon dans la cuisine des Tocqueville.

            Un mois après le dépôt de la plainte, le 5 février 2003, l’avocat des Tanay écrivait au procureur du Havre une lettre accompagnée de documents. La lettre de l’avocat contenait le passage suivant : « les informations que Monsieur Tocqueville donne dans ces documents (les documents joints à l’envoi) peuvent permettre de penser que Madame Sylvie Tocqueville a pris une part dans les faits et dans leur interprétation plus importante que celle qui a pu apparaître antérieurement » L’avocat des parents d’Émilie Tanay exprime donc ici l’opinion que des faits nouveaux portés par lui à la connaissance de l’autorité judiciaire sont susceptibles de réviser l’appréciation pénale des responsabilités dans la mort d’Émilie Tanay.

            Cet avocat fait allusion à deux lettres écrites par Monsieur Tocqueville le 24 janvier 2003. Dans la première de ces lettres, il révèle qu’il pense avoir été empoisonné dans la nuit du 10 au 11 juin et il précise que ses soupçons se portent désormais sur sa femme qu’il accuse de complicité. Jamais auparavant Monsieur Tocqueville n’avait formulé une telle hypothèse.

            Il va de soi qu’une éventuelle complicité de Madame Tocqueville ne serait pas susceptible de faire douter de la culpabilité de Monsieur DEPERROIS. En revanche, ce fait nouveau, c’est à dire l’affirmation  de Monsieur Tocqueville selon laquelle il  a été effectivement empoisonné, ouvre une alternative. Ou bien Madame Gibeaux (ex épouse Tocqueville) était complice et on ne comprend pas pourquoi son mari, qui le savait, n’en a pas parlé. Ou bien, c’est un mensonge de plus de la part de Monsieur Tocqueville qui s’est senti menacé par la publication des écoutes téléphoniques et qui réagit par de nouvelles accusations contre son ex-épouse pour détourner l’attention des écoutes téléphoniques et de leur portée.

            Dans les deux cas, cette nouvelle déclaration de Monsieur Jean-Michel Tocqueville démontre l’importance des écoutes téléphoniques à ses yeux et, partant, la force probante de celles-ci, ce qui n’était pas apparu jusque là.

            Au-delà de cette déclaration, les réactions qui ont suivi la publication de l’article de Monsieur Dumay qu’il s’agisse de celles de Monsieur Lecointre ou de celles des époux Tanay mettent l’accent sur le refus incompréhensible de certains protagonistes de l’affaire d’en élucider tous les aspects. Si messieurs Tocqueville et Lecointre n’avaient rien à se reprocher, ils ne mettraient pas autant d’ardeur et même de fureur dans leur tentative d’étouffer les résultats de l’enquête de Monsieur Dumay ou même de discréditer son travail. Ce travail ne peut nuire à ceux qui n’ont commis aucune faute et on ne comprend pas que messieurs Lecointre et Tocqueville, qui ont refusé à l’occasion de procès correctionnels de s’expliquer sur la signification des écoutes, s’acharnent contre la réouverture du procès et se déclarent persuadés de la culpabilité de Monsieur DEPERROIS.

 

            6° Il est aujourd’hui démontré - ce qui n’a pas été évoqué lors du procès alors que le juge d’instruction s’était intéressé à cette question sans obtenir de la part de l’expert Molinaro la réponse sollicitée - que le mélange de cyanure et de Josacine produit en moins d’une heure une odeur d’ammoniac.

 

Le service central d’analyse du CNRS, expérimentant sous la direction de Madame GRENIER LOUSTALOT le mélange de Josacine et de cyanure, a prouvé ce qui est consigné dans un rapport du 25 juillet 2005, que ce mélange dégageait très rapidement une forte odeur d’ammoniac.

         Or, si l’accusation portée contre monsieur DEPERROIS Jean-Marc suppose que le cyanure a été introduit par lui au plus tard à 17 heures le 11 juin 1994, l’odeur caractéristique d’ammoniac a été constatée pour la première fois le 12 juin 1994 vers 5 heures du matin.

         Cette odeur, nécessairement perceptible lorsque le mélange date d’une heure, n’ a été remarquée, ni par monsieur P qui a eu le flacon entre les mains le 11 juin entre 20h30 et 21h, ni par madame Anne-Marie V qui a examiné le flacon vers 22h30, ni par un témoin dont l’identité a été révélée depuis le procès criminel par madame V elle-même. Il s’agit de madame P, à l’époque aide-soignante en pédiatrie.

         Trois personnes, qui n’ont aucun lien avec les protagonistes de l’affaire, ont donc fait la même constatation :

le flacon dans la soirée du 11 juin ne sentait pas l’ammoniac alors qu’une telle odeur aurait été flagrante si le mélange avait été effectué, ainsi qu’il a été soutenu par l’accusation, dans l’après-midi du 11 juin par monsieur DEPERROIS.

La requête en révision est fondée sur l’existence des faits nouveaux suivants :

- Monsieur P. a, postérieurement au procès criminel, donné une description du flacon de Josacine et de son contenu qui prouve que messieurs Tocqueville et Lecointre ont menti.

- La révélation de ces mensonges donne aux conversations téléphoniques de messieurs Tocqueville et Lecointre, à leur signification et à leur portée, une évidente clarté.

- Les nouvelles déclarations de Madame Gibeaux Sylvie confortent la signification et la portée de ces conversations telles qu’elles sont apparues grâce aux déclarations de monsieur P.

- L’expertise de l’odeur d’ammoniac dégagée par le mélange de Josacine et de cyanure pratiquée pour la première fois, prouve que le mélange n’a pas pu être effectué par le requerrant.

- Les déclarations et le comportement de messieurs Tocqueville et Lecointre qui s’acharnent depuis le procès criminel à faire taire monsieur DEPERROIS, achèvent de démontrer que les deux hommes ont dissimulé ce qu’ils savent de l’accident mortel.

- Monsieur L., dont l’épouse était employée à la mairie de Gruchet-le-Valasse depuis plus de vingt ans et dont le beau-frère, [J... B...], est employé par la société Oril et fréquentait monsieur Tocqueville, a révélé qu’il avait eu en sa possession du cyanure conditionné dans un flacon présentant des similitudes avec celui que madame P. a vu du domicile des Tocqueville.


Par ces motifs, il est demandé à la commission, vu l'article 622-4 du code de procédure pénale de :

Fait à Paris, le 6 septembre 2005-12-07

Thierry Levy,
Avocat à la Cour

 

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