Le drame du 11 juin 1994

 

Chronologie :

 

11 juin 1994 Ce matin-là, Emilie Tanay a pris son traitement Josacine, dans un flacon commencé plusieurs jours auparavant ; comme elle n aime pas le goût de son médicament, elle a bu du jus de pomme pour le faire passer(1).

 

vers 15h : Emilie Tanay est confiée pour le week-end à la famille d'un camarade de classe, les Tocqueville, à l'occasion d'une fête médiévale. Elle arrive vers 15 h avec un flacon de Josacine neuf, que sa maman vient de lui préparer (2), et des sachets d'Exomuc à dissoudre dans de l'eau.

 

20h30 : L'équipe médicale du SMUR arrive en urgence chez les Tocqueville, auprès d'Émilie, qui est inconsciente. Personne, dans la maison, n'a d'explication. C'est en arrivant à la porte du garage, vers 20h15,  pour partir diner à l'abbaye du Valasse en fête, qu'elle est soudain tombée dans le coma.

L'entourage parle de crise possible d'épilepsie. Une personne mentionne le fait qu'Emilie s'est cognée la tête en jouant. Les Tocqueville mentionnent le traitement d'Emilie, qu'elle a pris vers 20h et dont elle s'est plainte du goût. Le SMUR repart avec l'enfant en soupçonnant une rupture d'anévrisme, et en laissant ses médicaments dans la maison.

(Nota : Des années plus tard, en 1998 et en 2002, contacté par Jean-Michel Dumay, le Dr Hénaff, médecin du SMUR, lui a précisé : « Lorsque nous sommes arrivés sur place, il a fallu insister pour obtenir des informations. Le problème du mauvais goût du médicament n'était pas du tout central » (*Dumay p 77-78).

 

 

22h30 : Émilie vient de décéder, et les médecins ne diagnostiquent pas de problème cardiaque. Ils demandent qu'on leur apporte la Josacine pour examen, puisque ce serait la dernière chose qu'elle aurait avalée.

 

23h : Un ami des Tocqueville, Denis Lecointre, apporte la Josacine à l'hôpital.

L'aspect et l'odeur du médicament paraissent normaux. Il ne signale rien d'anormal.

 

12 juin:  Le médecin réanimateur, le Dr Maguer,  observe le médicament avant 2h30 du matin : il lui apparaît « normal » et « homogène ».

 

5h du matin : L'infirmière découvre que la Josacine est toute tournée et dégage une odeur « piquante et agressive » qui lui donne des brûlures dans le nez et l'oesophage. Une étrange coagulation visqueuse se colle aux parois du flacon quand on le secoue.

 

13 juin : Le Dr Maguer, du service des urgences,  reçoit les Tocqueville à l'hôpital et recueille leur témoignage, qu'il notera le lendemain : « Lorsqu'elle [Émilie] avale la cuillère de Josacine, elle se plaint immédiatement de brûlures, d'un mauvais goût, réclame de l'eau et se précipite boire au robinet. Elle signale alors que la Josacine a mauvais goût et n'est pas comme d'habitude ». Le médecin ajoute un nota bene : « Ceci est trouvé secondairement à l'interrogatoire de Madame puis de Monsieur Tocqueville ». 

 

16 juin : Le Dr Hénaff, du SMUR, indique dans son procès verbal au juge : « La femme [Sylvie Tocqueville] m'a déclaré que juste avant de partir, l'enfant avait pris ses médicaments, et que l'enfant lui avait dit que son médicament était plus mauvais que lorsque c'était sa mère qui lui préparait ».        

 

 (Nota : De quel médicament s'agit-il ? Emilie savait bien que la Josacine avait été préparée par sa mère. Cette phrase,  telle qu'elle est rédigée,  et si elle a vraiment été prononcée telle quelle, pourrait donc référer plutôt à l'Exomuc, qu'Emilie a  préparé elle-même ce jour-là chez les Tocqueville.)

 

17 juin : Le petit Jérôme, 8 ans,  raconte qu'il a vu Émilie prendre son Exomuc, puis sa Josacine : «Elle a tout de suite dit : « Beurk ! C'est pas bon ». Après elle a bu un peu d'eau dans la cuisine ». Il signale que dans les minutes suivantes, elle s'est plainte auprès de Sylvie Tocqueville de maux de tête et d'avoir envie de vomir.

 

            Le même jour, Denis Lecointre indique aux enquêteurs qu'après le départ de l'ambulance,  la Josacine restée à la maison leur avait  paru tournée, à Jean-Michel Tocqueville et  à lui.

 (Nota : Ces propos sont en contradiction avec les observations de l'équipe médicale, à qui le médicament paraissait homogène dans la nuit, et qui n'a remarqué la coagulation qu'au petit matin du lendemain).

 

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Plusieurs années après.

 

Décembre 2002 : L'hypothèse d'un accident camouflé après coup.

Ces témoignages contradictoires ou tardifs, et d'autres éléments troublants découverts par  Jean-Michel Dumay, vont l'amener à poser l'hypothèse qu'Emilie se serait servie d'une bouteille « qu'elle croit d'eau minérale dans laquelle un produit cyanuré a été dilué » (* Dumay p. 146).

Une eau qu'elle aurait utilisée pour préparer son Exomuc ? Ou pour boire un verre après la prise de sa Josacine dont elle n'aimait pas le goût ?

 La Josacine n'aurait été empoisonnée qu 'après le décès de l'enfant pour cacher un accident domestique.

 

21 novembre 2005 : Le Tribunal correctionnel du Havre saisi d'une plainte en diffamation contre Jean-Michel Dumay pour son livre « Affaire Josacine Le poison du doute »,  note que « des incohérences existent dans les explications données sur les circonstances dans lesquelles l'enfant a pris son médicament ». Il relève que l'enquête du journaliste établit la possibilité, pour les époux Tocqueville, d'avoir détenu du cyanure chez eux, et que son hypothèse est plausible.    

 

 

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* Jean-Michel Dumay,  Affaire Josacine Le poison du doute, Stock, mars 2003.

 

(1)   Précisions données par Mme Tanay.

 

(2)   La Josacine, dans sa présentation pour enfant,  se présente sous la forme d'une poudre antibiotique à préparer en versant de l'eau jusqu'au niveau indiqué sur le flacon. On doit ensuite bien secouer, puis ajuster le niveau au besoin. Le flacon est donc préparé une fois pour toutes. L'enfant prend le médicament avec une petite cuillère doseuse.

Précisons que Mme Tanay avait bu elle-même de l'eau de la bouteille avec laquelle elle a préparé le deuxième flacon.

Pour l'Exomuc, au contraire, il faut dissoudre chaque sachet à chaque prise.

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